Gilbert BULTÉ (04/01/1921 – 10/10/2014)

Gilbert aurait eu 100 ans aujourd’hui. Alain Collongues nous fait suivre le texte qu’il avait rédigé au moment de son décès.

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Il m’appelait « Monsieur Alain » mais je disais « Monsieur Bulté ». On ne s’était jamais tutoyés et pourtant on avait dialogué des après-midi entiers dans l’arrière-boutique des cycles Singer, toujours autour des mêmes sujets : le cyclisme des années 50, au sens large, quand le cyclo-sport n’était pas encore devenu un gros mot. Et par-dessus tout ce qui nous réunissait, il y avait un sommet que nous goûtions autant l’un que l’autre : Paris-Brest-Paris, bien sûr.


Monsieur Bulté n’était pas un tendre, il exposait les choses comme il les sentait sans souci de ne pas choquer. Par exemple il disait combien il désapprouvait l’usage excessif de l’assistance dans tous les brevets longue distance, la trop grande facilité des BCMF quand ils ont été homologués sur deux jours, les Fléches Vélocio sans recherche de performance quand des équipes se contentent du strict minimum, mais aussi les randonneurs déguisés en coureurs ou les coureurs sans éducation. Son expérience lui permettait d’affirmer avec force
combien une bonne soupe de légumes valait mieux que tous les Overtrucs ou les Isomachins, combien une bonne randonneuse légère était irremplaçable sur longue distance, même par la plus sophistiquée des machines d’aujourd’hui.
Il avait épaté le milieu médical après avoir éclaté son ménisque lors d’une gamelle dans la Montagne de Reims.

Celui-ci lui ayant été enlevé sans espoir de pédaler de nouveau, il avait à force de volonté retrouvé son niveau d’antan, c’est-à-dire toujours dans les premiers. Je me souviens aussi d’empoignades épiques, lors du Challenge de la Canette à Bouillé-Loretz dans les années 70, lors des contre-la-montre par équipes. Non, Monsieur Bulté n’était pas un adversaire facile. Mais descendu de vélo il était d’une grande correction et toujours juste et précis dans ses souvenirs, même le grand âge venu. Sa mémoire était prodigieuse, témoin de la passion qu’il avait eu à vivre les événements que nous évoquions.


Il serait fastidieux de rappeler ses faits d’armes, tant comme dirigeant que comme cycliste. Je n’en retiendrai que deux : la reprise de l’organisation de Paris-Brest-Paris en 1961 en ne disposant pour toute archive que du formulaire d’inscription de l’édition précédente, et
à la pédale, l’exploit de 1956 où avec le grand Lucien Détée (qu’il appelait « petit ») il finit Paris-Brest-Paris à la première place des tandems hommes, tenant tête aux redoutables grenoblois Routens et Jouffrey.
Adieu Gilbert et dis leur bien, là où tu es, que Paris-Brest continue…

Alain COLLONGUES