Charles TERRONT : héros du premier Paris-Brest-Paris (1891)

La course cycliste « nationale » Paris-Brest et retour, comme on disait à l’époque, fut l’événement majeur de l’année 1891. Elle passionna la France entière. Créée par Pierre Giffard pour augmenter les ventes du quotidien Le Petit Journal dont il était le directeur des informations, elle permit de dépasser le million d’exemplaires chaque jour. En cette fin du XIXe siècle, Paris-Brest et retour constitua avec Bordeaux-Paris, né quelques mois auparavant, la première vague du grand mouvement de promotion du sport, qui aboutira cinq ans plus tard à l’ouverture des Jeux Olympiques modernes.

Cet événement « français » fut ouvert sans distinctions d’âges, de références sportives ou de professions. Les règles étaient on ne peut plus simples : aller de Paris à Brest à vélo et en revenir de même, dans un délai maximum de dix jours. Ainsi se trouvèrent embarqués vers le même objectif des ouvriers et des patrons, des professeurs et des étudiants, des paysans et des juristes, des sportifs et des touristes, des mômes de dix-sept ans et des hommes d’âge mûr. 

Pour être objectif il faut pourtant souligner que, de cette course de pionniers, il y eut quelques exclus : les femmes d’abord qui devront attendre 1931 et le premier Paris-Brest-Paris Randonneur organisé par l’Audax Club Parisien, les étrangers, qui seront cependant admis dès l’édition suivante de 1901, et enfin les personnes qui ne pouvaient se permettre de quitter leur travail pendant dix jours et qui ne le pourront qu’aux premiers congés payés créés en 1936. 

En 1891, tous sans exception, qu’ils fussent assistés par des équipementiers ou, comme la grande majorité, totalement livrés à eux-mêmes pour s’alimenter, se reposer, se soigner et réparer les innombrables avaries que subirent leurs machines, tous donc, furent accueillis au long de la route par une population nombreuse, enthousiaste et stupéfaite.

Si le grand beau temps fut présent tout au long des dix journées, il ne faut pas oublier les pièges de routes en très mauvais état, les éclairages aux lampions et les rencontres imprévues. Les machines cyclistes n’étaient pas même au début d’une fabrication à grande échelle et réservaient souvent des mauvaises surprises. La diététique était balbutiante, comme le choix des vêtements. Peu d’informations, en cours de route, sur les positions de chacun, enregistrées d’une simple signature aux points de contrôles. En un mot, Le Petit Journal offrait là aux sportifs audacieux la possibilité de vivre une extraordinaire aventure. 

Sur les 576 pré-inscrits, 300 confirmèrent leur engagement, 206 prirent le départ, 106 virèrent à Brest, 100 rentrèrent à Paris dans les dix jours et 98 furent homologués. Tous ces courageux prouvèrent à quel point le vélo bien utilisé permettait de voyager loin, longtemps, et sans fatigue autre que celle que procurent des journées entières passées au contact des éléments naturels. Si les vingt premiers furent récompensés d’un objet d’art, les autres ne rapportèrent qu’une médaille et des coups de soleil, en échange des cinq francs que leur avait coûté l’engagement.

De ce peloton de pionniers d’où émergeront des millions de randonneurs dans le monde entier, un homme s’est dégagé qui fait figure de héros, Charles TERRONT. Ancien champion de grand bi, coureur de six jours en Angleterre, il est alors âgé de 34 ans. Il fallait un premier, il fut celui-là. En véritable athlète, l’homme fut le seul à mettre moins de trois jours pour parcourir dans les deux sens les 1200 km de la route qui relie notre capitale au grand port du Ponant. Aussi mérite-t-il aujourd’hui l’hommage que lui rend cette humble stèle. 

Né en banlieue parisienne en 1857 et décédé en banlieue marseillaise en 1932, Charley fut la première vedette du sport cycliste français. Sa popularité fut immense, non seulement en France, mais dans le monde entier. On découvrait, ébahi, combien l’horizon, atteignable par l’homme, sans recours au cheval, venait soudain de reculer. 

Sa performance étonna. D’abord par les capacités insoupçonnées du corps humain à surmonter un effort de si longue durée sans repos. Ensuite par celles de ce tout nouveau mode de locomotion, à pneumatique et à chaîne, que l’on nommait déjà vélo. Enfin par la ferveur et l’accueil extrêmement chaleureux et généreux que lui réservèrent les habitants des localités traversées. 

Désormais toute personne qui le veut vraiment peut venir à bout de Paris-Brest-Paris. Sur la première pierre, que posèrent en 1891, Charles Terront et ses 97 suivants, se sont élevées les valeurs que défend et perpétue l’Audax Club Parisien. 

Charles Terront
Charles Terront